CONTRIBUTION DE L'EGLISE DU CHRIST AU CONGO AU PROCESSUS DE PAIX ET DE RECONCILIATION EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

Exposé par Mgr MARINI  Bodho, Président National de l’Eglise du Christ au Congo (ECC)

Au nom de la délégation de la République Démocratique du Congo (RDC) qui nous accompagne, nous  vous saluons tous. Vous avez aussi les salutations de vos frères et sœurs de l'Eglise tout entière que nous représentons.

Lors de sa dernière session tenue à Kinshasa du 24 au 30 septembre 2000, le Comité Exécutif National de l’Eglise du Christ au Congo (CEN), en solidarité avec le peuple de la République Démocratique du Congo,  a appelé ce dernier à ne pas perdre l'espérance dans la situation troublante et difficile où il se trouve plongé. Il avait identifié quelques signes d’espérance qui pointaient à l'horizon, notamment la reprise du processus de paix de Lusaka, la volonté des belligérants de mettre fin à la guerre et l'implication manifeste de la communauté internationale, de l'ONU et de l’OUA dans la recherche d’une  solution politique  et pacifique à la guerre.

Dans cette déclaration, le CEN avait, en particulier, adressé un message d'appel à la solidarité des églises sœurs d'outre-mer, notamment des États-Unis d'Amérique, de la Grande-Bretagne, de la Suède, de la Norvège, de la Belgique, de l’Allemagne, de la Suisse, du Canada et de la France, afin de sortir du silence et de parler à leurs gouvernements respectifs en faveur du Congo, creuset de leur dévouement missionnaire.

Cet appel a été entendu et dès lors, des rencontres et des visites de nos partenaires ont été multipliées ici en Europe, aux USA et en Afrique pour plaider en faveur de notre pays. La rencontre d’aujourd’hui s’inscrit dans cette logique. Nous la percevons comme l’expression de la solidarité des Eglises, du peuple et du Gouvernement suédois envers notre peuple.

Nous voudrions donc remercier ici les Eglises suédoises pour avoir pris cette initiative, le Gouvernement suédois pour avoir participé à la tenue de cette rencontre et les organisations non-gouvernementales pour leur appui. Les églises suivent avec beaucoup de reconnaissance les efforts des Eglises et du Gouvernement suédois pour ramener la paix en RDC et le soutenir dans sa détresse.

Nous avions apprécié à sa juste valeur la visite que les parlementaires suédois avaient effectuée à Kinshasa ainsi que celle de la délégation du Conseil Suédois de Mission en Afrique centrale, spécialement à Kinshasa, en novembre 1998. Nous savons quel risque cela représentait d’effectuer un voyage dans notre pays à cette période-là. Beaucoup de partenaires étaient découragés par leurs pairs. Il fallait un courage exceptionnel doublé d’ un amour réel pour le peuple congolais pour entreprendre ce voyage.

Dans son rapport de mission, cette délégation écrivait sur la situation en RDC ce qui suit :

« Nous jugeons que la situation dans la région des Grands Lacs et dans toute l’Afrique Centrale est très grave. Une dizaine de pays africains  sont engagés dans les troubles récents au Congo-Kinshasa. Une extension du conflit et une division du pays sont des dangers imminents. Cela peut sérieusement détériorer une évolution déjà  grave au point de vue économique, politique, social et ethnique. »

Ce constat vrai était alors une prophétie.

Depuis cette date, la République Démocratique du Congo en particulier vit une situation indescriptible. La guerre  d’agression - rébellion est venue accentuer la misère de la population dans laquelle le régime Mobutu l’avait plongée. Elle a provoqué le mouvement brutal et involontaire des masses populaires. Dans cette situation, ce sont les personnes les plus  vulnérables, les femmes,  les enfants et les vieillards qui tombent  le plus souvent  victimes de maladies et succombent. Le déplacement des populations est tel qu’il est difficile de répondre à leurs besoins parce qu’elles sont contraintes de se cacher dans des endroits inaccessibles aux organisations humanitaires. Et même là où elles peuvent opérer, l’ampleur des besoins est telle que la générosité des bienfaiteurs est débordée (Rapport de mission du Secrétaire Général Adjoint de l’ONU en matière humanitaire, M. KENZO OSHIMA, avril 20001).

Au phénomène des déplacés de guerre, s’ajoute celui des réfugiés qui se comptent par dizaines de milliers dans les pays limitrophes et ailleurs (Europe, USA, Afrique, etc.) privant ainsi le pays des ressources humaines capables d’assurer son développement et de contribuer à sa reconstruction.

La guerre en RDC est plus qu’un carnage. Selon un rapport donné par l’ONG américaine IRC (International Rescue Committee)  en date du 8 mai 2001, près de 2,5  millions de personnes sont déjà mortes directement ou indirectement des suites de cette guerre. (http://www.intrescom.org)

Dans cette situation très complexe, la présence de l’Eglise est un mât d’espérance. Tout le monde s’accorde à dire que sans la présence de l’Eglise en RDC, le pays allait déjà appartenir à l’histoire. De sorte qu’à en croire le rapport de la mission de l’Union Européenne en 1996, grâce à cette présence, les élections dans notre pays s’ effec-tueraient aussi facilement que cela se fit au Mozambique par exemple[1][1].

Fidèle à sa mission prophétique, d’être le témoin de la vie[2][2] et du royaume de justice et de paix dans le monde, appelée à être solidaire avec l’homme et la femme créés à l’image de Dieu afin de lui exprimer l’amour de Dieu à travers Jésus-Christ, l’Eglise s’est manifestée à temps et à contre temps pour interpeller les consciences sur la nécessité de préserver la vie humaine, don de Dieu et de construire un Congo prospère fondé sur la justice et la paix.

Se considérant membre de l’Eglise universelle, corps du Christ, l’Eglise du Christ au Congo n’accomplit pas cette mission seule. Souvent, elle associe les autres Eglises (Catholique, Orthodoxe, Kimbanguiste) voire la communauté islamique à ses efforts en vue de matérialiser le plan de Dieu en RDC. Ce plan se résume par deux mots : « Bonheur et paix »[3][3].

Nous nous réjouissons que cette rencontre s’inscrive dans cette optique de solidarité ecclésiale afin de rendre plus perceptible notre témoignage au monde devenu un  village, où le rapprochement et la collaboration unifient l’humanité.

Notre attente à l’issue de cette rencontre est la mobilisation de toute la Suède et  de l’Union Européenne, dont la Suède assure la présidence, pour percevoir combien le peuple congolais a plus que jamais besoin de l’attention du monde entier pour l’aider à se sortir de son impasse.

La situation actuelle sur terrain se présente de la manière suivante :

  Il convient de souligner qu'à ce jour, la République Démocratique du Congo continue à être un pays divisé de fait et non de droit, par l'existence dans sa partie Est et Nord-Est de deux rébellions (RDC[4][4] et FLC[5][5]) soutenues respectivement par le Rwanda et le Burundi, d'une part et  l'Ouganda, d'autre part. L’autre partie est sous contrôle gouvernemental. Cette situation fait que ma présentation sera complétée par le Rév. Dr Kuye Ndondo, qui vient de Bukavu.

Par cette rencontre nous souhaitons  vous mobiliser pour venir en aide au peuple congolais en détresse. Du gouvernement suédois, nous attendons la reprise effective de la coopération bilatérale et multilatérale. La guerre que vit notre peuple n’est ni voulue ni souhaitée par lui. Elle lui est imposée par ceux qui paraissent forts pour le moment. Le peuple congolais en est très lassé et exige sa fin immédiate. Dans l’entre-temps, la guerre a décimé et continue à détruire complètement le pays provoquant ainsi des besoins illimités sur le plan humanitaire. Il serait ainsi salutaire pour lui que les Eglises et les gouvernements du monde se mobilisent comme un seul homme afin de venir en aide à nos populations en détresse.

DU ROLE DE L’EGLISE DANS LA RECHERCHE DE LA PAIX EN RDC

L’Eglise, corps et épouse du Christ, a été mandatée par son chef lui-même pour être le sel de la terre et la lumière du monde. Le Christ travaille à travers ses disciples et son église. Celle-ci est son œil pour observer ce qui se passe et voir au-delà des apparences et des événements la dimension spirituelle et le plan de son maître. Elle est son oreille, pour entendre les cris de détresse des opprimés mais aussi la voix douce du Saint-Esprit. Elle est son cœur plein de miséricorde et de compassion, pour souffrir avec les malades, les réfugiés, les déplacés, les exclus. Elle est sa bouche, pour prononcer ses oracles, prêcher la Bonne Nouvelle de la libération et de la vie en abondance. Elle est ses mains pour panser les blessures, pour secourir les indigents, ses mains tendues vers l’autre, même l’ennemi, dans un esprit d’amour et de réconciliation. Elle est ses pieds pour aller vers ceux qui ont soif de Dieu et pour partir à la rencontre des politiciens et des gouvernants, des économistes,  des sociologues, etc. donc des représentants de toutes les classes sociales, même des faux théologiens et des faux prophètes. Elle est son prophète pour avertir des dangers, proclamer le jugement et indiquer la voie à suivre pour y échapper. Elle est son envoyée pour enseigner le peuple de Dieu et le peuple en général, pour l’orienter vers le Royaume de Dieu fait de justice et de paix.

Nous sommes conscients que notre Eglise est restée longtemps enfermée dans le temple et dans ses activités sociales. Elle s’est tenue à l’écart de la politique et des affaires du monde à cause des divergences théologiques des membres qui la constituent, ce qui a causé aussi des divergences d’opinion sur les attitudes à adopter ou les actions à entreprendre. Nous nous en sommes repentis et depuis quelque temps nous avons pris conscience de la nécessité de la présence de l’église dans tous les secteurs de la société. Elle doit avoir un impact bénéfique sur toute la marche de la nation, pour être fidèle à ce mandat que le Seigneur lui a confié d’être la lumière du monde. Notre option est que l’Etat soit l’Etat et que l’église soit l’église  et que tous les deux collaborent dans le respect mutuel, la franchise en tant que partenaires en vue de l’édification du royaume de Dieu qui interpelle aussi bien l’Etat que l’église et qui doit être   leur objectif commun.

Dans cette perspective, c’est la vision divine d’un monde sans violence et de paix durable qui anime l’église dans l’élaboration de son kerygme et de la mise sur pied des actions : cette vision trouve un appui dans la Bible en Esaïe 2:4 :"Dieu sera le juge entre les nations, l'arbitre des peuples nombreux, martelant leurs épées, ils en feront des socs, de leurs lances ils feront des serpes. On ne brandira plus l'épée nation contre nation, on n’apprendra plus à se battre". Nous avons donc pour vocation de matérialiser cette prophétie.

Les domaines d’interventions de l’action de l’église sont multiples. Ils sont fonction des défis auxquels l’église est confrontée. Actuellement, la situation de guerre avec ses corollaires lui impose de s’impliquer dans la recherche de la paix, l’éducation à la paix, la réconciliation,  ainsi que dans l’humanitaire.

Partie intégrante de l’église universelle, corps du Christ, l’Eglise du Christ au Congo réalise son projet, selon les cas, seule ou avec les autres églises du Congo, de la région des Grands Lacs et de la Corne de l’Afrique, à travers la CECCLACA ( FECCLAHA), la CETA ( AACC), le COE ( WCC) ou avec les autres partenaires ecclésiastiques ou de développement. Elle associe, de temps en temps, les ONG de développement  et de la promotion des droits de l’homme,

Le résultat est encourageant par le crédit que l’église a dans la population. Aujourd’hui, rien ne peut plus se faire sans obtenir le conseil ou le concours de l’église. C’est donc là une opportunité pour l’église d’exercer une influence dans la construction d’un nouveau monde congolais qui garantisse à chacun, à tous et à toutes la dignité et le bien-être.

Nous voudrions dans les lignes qui suivent évoquer quelques aspects des actions  multiples menées par l’ECC et  ses partenaires dans la recherche de la paix en RDC. Nous les citerons en ordre chronologique,  de 1996 à nos jours.

SYNTHESE DES DECLARATIONS ET ACTIONS DE L’EGLISE DANS LE PROCESSUS DE PAIX EN RDC

Comme nous l’avons déjà dit, notre pays vit depuis 1996 une guerre de rébellion d’abord (1996-1997) et d’agression - rébellion ensuite ( de 1998 à ce jour). Cette situation a paralysé la vie politique et aggravé la destruction des infrastructures et  la misère de notre peuple, déjà à son comble pendant la dictature mobutienne.

Cette situation handicape la démocratisation et le développement du pays. La vie de l’église en subit les contre- coups. Le contact entre membres et responsables de l’église se fait difficilement et rarement, du fait que pour aller à l’Est ou au Nord-Est du pays, il faut traverser les frontières nationales. Le pays est coupé en quatre parties. C’est la partition de fait de la RDC. La Parole de Dieu décrit ce genre de situation en ces termes « Quand le pays est en révolte, les chefs sont nombreux. Mais avec un homme qui a de l’intelligence et de la science, le règne se prolonge. » Proverbes 28 :2.

Pour l’Eglise du Christ au Congo, sans la paix la vie n’est que chimère. C’est pourquoi, elle en a fait sa priorité des priorités.

Avant et pendant la guerre dite de libération, celle qui a conduit le feu Président Kabila au pouvoir à Kinshasa, l’Eglise du Christ au Congo avait pris les initiatives suivantes :

Des déclarations sur la situation politique :

Année 1996

Juillet 1996 : Comité exécutif national, 26è session:  L’ECC encourageait :

-          l’aboutissement du processus démocratique par l’organisation d’élections démocratiques et transparentes dans le délai prévu ;

-          les acteurs politiques à mettre tout en œuvre pour préserver la paix et l’unité du pays en favorisant la liberté, la sécurité et la justice,…

Elle déclarait que la situation du Libéria, du Rwanda et du Burundi devraient servir d’exemples au peuple congolais pour éviter tout acte déloyal qui conduirait notre pays au désastre et au deuil.

Hélas, ce que nous craignions se produira peu après. En effet, quelques mois plus tard, la guerre dite de libération commença.

Novembre 1996 : Rencontre, organisée à Johannesburg par la CETA, entre responsables des églises du Congo   et du Rwanda, sur les moyens de mettre fin à la guerre ; l’ECC y était   représentée par sept délégués.

ANNEE 1997

Février 1997 : Déclaration du Comité Exécutif National : Le CEN constatait que la guerre résultait du manque d’écoute des autorités de la 2è République  face aux différents messages de l’Eglise, de la non application du schéma de la Conférence Nationale Souveraine et de la mauvaise gouvernance. Il recommandait des négociations au niveau national et international ;

1er Août 1997 : Dans sa déclaration, le CEN exprime les attentes du peuple congolais et  appelle les nouvelles autorités à y répondre, contrairement à ce qu’a fait le régime déchu ;

ANNEE 1998

En août 1998, déclaration du Synode National tenu pendant que la guerre d’agression- rébellion commençait.

SUIVANT               ACCUEIL



[1][1] Déclaration de S.E.  Johan Krebs, Ambassadeur de l’Union Européenne en RDC lors de l’audience accordée aux autorités nationales de l’Eglise du Christ au Congo en 1996.

[2][2] Jn 10.10 : « Je suis venu pour que vous ayez la vie et la vie en abondance ».

[3][3] Jr 29.11 :  j’ai formé sur vous des projets de paix et non de malheur pour vous donner de l’espérance.

[4][4] Rassemblement Congolais pour la Démocratie.

[5][5] Front de Libération du Congo.