RAPPORT DE MISSION SUR LA
PARTICIPATION
AU SEMINAIRE-ATELIER ORGANISE PAR
UNESCO-PEER
A NAIROBI DU 29 AU 31 JANVIER
2001
Au nom de Mgr Marini, Président National de l'ECC, Le révérend Mutombo a
pris part du 29 au 31 janvier 2001 à Nairobi (Complexe des Nations Unies à
Gigiri) au séminaire-atelier sur la promotion de la culture de la paix, la
bonne gouvernance et le développement socio-économique dans la région des
Grands Lacs d’Afrique.
Organisé par le bureau régional de l’UNESCO/PEER (réseau régional de la
culture de la paix), cette rencontre a réuni 60 intellectuels ressortissants
des pays de la région des Grands Lacs d’Afrique (Rwanda, Burundi et la
République Démocratique du Congo) représentants les Universités, les Eglises,
la société civile, les Médias et les associations œuvrant pour la promotion de
la paix, des Droits de l'Homme et du Développement socio-économique.
Cette rencontre avait pour objectif : chercher des voies et moyens de
promouvoir la culture de la paix et d’engager un dialogue informel en vue de
développer une vision commune pour la résolution des crises dans la Région des
Grands Lacs.
Les réflexions ont tourné autour de thèmes suivants :
- Sécurité et stabilité ;
- Démocratie et droits de
l’Homme ;
- Développement, Coopération
et Intégration régionale.
Lundi 29 janvier 2001
Au cours de cette journée les
participants ont suivi tour à tour les exposés scientifiques suivants :
- Genèse et développement
des facteurs socio-historiques des relations inter-communautés et
inter-états dans la région des Grands Lacs d’Afrique par M. Gratien
Musigazi (EPD-ITUZE, Nairobi) et Prof Julien NIMUBONA, Recteur de
l’Université National de Burundi.
- Emergence des mouvements
de rébellion et leur incidence sur la situation régionale et sur chacun
des pays de la région de Grands Lacs d’Afrique par Prof BIBOMBE et Mme
Domitille BARANCIRA de l’Association des femmes au Burundi.
- Prévention et résolution
des crises et des conflits : le rôle des différents intervenants (la
population, la classe politique, les médias, les confessions religieuses,
la société civile, les ONG, la communauté internationale, etc.) par Mme
Alice et Rév MUTOMBO Ndalamba.
Mardi, 30 janvier 2001
Démocratie et Droits de l’homme
- La problématique de la
réconciliation, l’intégration et l’unité nationales et régionales dans la
région des Grands Lacs d’Afrique par M. Gérard NDIKUMA GENGE, Université
burundaise à Nairobi et Dr James VUNIGOMA, Association des Journalistes au
Ruanda ;
- Perception et pratique des
libertés individuelles, des Droits Fondamentaux et des aspects juridiques
des conflits dans les pays de la région des Grands Lacs d’Afrique par
Professeur ABIBI, Recteur de L'Université de Kisangani, M. Oscar KABAMBA,
Directeur Programme TV de la RTNC/Kinshasa, M. Hildebland KANZIRA,
Secrétaire Général Unité et Réconciliation. Au Ruanda ;
- Promotion de la démocratie
; de l’Etat de droit et de la Bonne Gouvernance dans les pays de la région
des Grands Lacs d’Afrique face aux enjeux géostratégiques sur le plan
national, régional et international par Rév. Dr André NIYONSABA, DayStar
University in Nairobi, M. Edmond TOYI, Association des Journalistes au
Burundi ;
Mercredi, 31 janvier 2001
Développement, Coopération et
Intégration régionale
- Drame socio-économique et
politique et perspectives d’avenir dans les pays de la région des Grands
Lacs d’Afrique par M. Cyrille HICINTUKA, Université Burundaise à
Nairobi, Prof. KISANGANI ENDANDA, Centre Universitaire de Goma ;
- Coopération du développement
et Intégration régionale comme instrument de promotion de la paix, de la
stabilité et de la prospérité socio-économique de la région des Grands
Lacs d’Afrique par Professeur Samuel NGAYEMBA, Recteur Université Libre
des Pays des Grands Lacs/Goma et Prof. KISANGANI ENDANDA, Centre
Universitaire de Goma ;
- Conditions du
développement de la région Grands Lacs d’Afrique : Développement des
ressources humaines ; Appropriation du savoir-faire ; - Utilisation des
ressources naturelles ; - Distribution équitable des richesses et
promotion des échanges, par Dr Charles NYANDWI, Université de Nairobi, Mme
Alice KAREKEZI.
A l'issue des travaux, les
participants ont fait la déclaration suivante:
DECLARATION
des Participants au Séminaire-Atelier sur la Promotion
de
la Culture de la Paix, la Bonne Gouvernance et le Développement Socio-Economique
dans la Région des Grands Lacs d’Afrique
Nous, Participants au Séminaire –
Atelier de Nairobi,
- Préoccupés par la grave
crise qui affecte la Région des Grands Lacs ainsi que ses conséquences sur
l’ensemble des populations du Burundi, du Rwanda et de la République
Démocratique du Congo,
- Convaincus qu’il est de
notre devoir d’aider ces populations à sortir de ces malheurs,
- Profitant de cette
heureuse occasion qui nous est offerte par l’UNESCO/PEER,
Après un examen approfondi de la
situation qui prévaut dans la Région et ce, pays par pays, avons abouti aux
résultats et considérations ci-après :
- ETATS DES LIEUX
Sur le plan politique et de la
sécurité :
- Absence d’une démocratie
réelle et le non enracinement de la démocratie dans les mœurs et dans les
pratiques ;
- Absence des constitutions
constituant le cadre pour un réel Etat de droit ;
- Manque de culture
démocratique et blocage du fonctionnement des partis politiques.
- Situation d’insécurité et
d’agitation généralisée (des guerres à débordements transfrontaliers) ;
- Manipulations idéologiques
et mainmise totalitaire sur la population ;
- Rupture (de facto) des
relations diplomatiques et des relations de coopération bilatérale et
multilatérale ;
- Permanence, chez les
acteurs politiques, du recours au discours de sourds et à la langue de
bois, surtout lors des processus de négociation ou de réconciliation ;
- Manipulation politicienne
des problèmes socio-économiques.
Sur le plan de la justice et des
droits de l’homme :
- Violations systématiques,
flagrantes et graves des droits de l’homme (violations touchant les
libertés, l’éducation, la santé, l’alimentation etc…).
- Permanence d’une justice
" injuste " qui juge sur la tête du justiciable et qui dépend du
prince.
- Violences systématiques à
l’égard des personnes vulnérables (enfants, femmes, vieillards, malades
etc….).
- Violation du droit des
peuples à la participation et à la gestion des affaires de l’Etat.
Sur le plan économique et social
:
- Rupture des circuits
économiques et détérioration des échanges, d’où situation
- économique catastrophique
;
- Dégradation continue du
pouvoir d’achat et paupérisation accrue des masses populaires ;
- Décomposition grave des
systèmes d’éducation et de santé ; d’où l’accroissement des taux de
non-scolarisation et des déperditions scolaires ; d’où aussi la
recrudescence des taux de morbidité (due aux MST dont le SIDA) ;
- Croissance du nombre de
populations traumatisées moralement et psychologiquement ;
- Implication continue des
enfants dans les conflits armés ; d’où le phénomène " enfant-soldat
" ;
- Pillage systématique des
richesses naturelles des pays.
Sur le plan moral :
- Manque de confiance entre
dirigeants politiques et populations.
- Manque de confiance entre
populations des Etats de la Région, avec suspicion mutuelle.
- Mépris de la vérité et
culture du mensonge.
- Culture de la violence,
avec ruse et acharnement, y compris avec gachette et machettes.
- Absence de la culture du
pardon, de la tolérance et de dépassement aux niveaux individuel et
collectif.
Sur le plan idéologique :
- Prolifération et
cristalisation des idéologies ethnistes ;
- Instrumentalisation de la
tribu et de l’ethnie pour investir tout l’espace politique, administratif,
économique et social ;
- Occupation systématique de
l’espace en fonction des regroupements ethniques ;
- Renforcement des
disparités et des inégalités ethno-sociales (dans le système éducatif
etc….).
Sur le plan géostratégique :
- Rivalités sournoises, mais
réelles et même parfois vives, entre grandes puissances qui font de la
Région leur champ de bataille à des fins géostratégiques ou de conquête
capitaliste, y compris le marché d’armes et la spoliation des matières
premières ;
- Poids d’un passé colonial
connu, similitude des problèmes, mais avec l’apparition d’une tendance à
la bipolarisation linguistique Francophonie – Anglophonie, qui recoupe les
intérêts des grandes puissances ;
- Indifférence calculée et
camouflée de la communauté internationale vis-à-vis de la débâcle de la
région.
Sur le plan du concept "
Région des Grands Lacs " :
- Une vision pauvre de la
dimension de la région, vision qui renferme la problématique de la région
dans l’espace étroit constitué par l’ex-Congo Belge et Ruanda – Urundi.
- Apparition d’une
redéfinition floue de la carte, avec un certain élargissement de l’idée
des Grands Lacs, qui tend à faire basculer l’idée de l’Afrique Centrale
(largement francophone) dans le champ de l’Afrique de l’Est (largement
anglophone).
II. PRINCIPES FONDAMENTAUX
- Garantir l’intangibilité
des frontières héritées de la colonisation et souveraineté nationale.
- Réaffirmer la
non-ingérence dans les affaires internes des autres Etats.
- Promouvoir la culture du
pardon, de la tolérance et du dépassement de soi.
- Prôner la culture de la
vérité, l’amour du prochain quel que soit son origine géo-socio-ethnique.
- Promouvoir une culture de
l’écoute de l’autre et d’un dialogue sincère.
- Respecter absolument la dignité
humaine et avant tout le droit à la vie.
- Revaloriser la culture
africaine en matière de respect des morts.
- Respecter les libertés et
les droits fondamentaux, y compris le droit des peuples à
l'autodétermination.
- Respecter les libertés
fondamentales qui sont à la base de toute démocratie, à savoir : les
libertés de parole, d’expression et d’opinion
- Opter résolument et
clairement pour la démocratisation, la bonne gouvernance, la paix et
l'Etat de droit.
- Prendre en compte les
visions, les aspirations et les problèmes des populations.
- Réaffirmer le principe
pour un peuple de disposer de ses biens.
- Assurer équitablement la
justice et lutter contre l’impunité.
- Respecter les accords et
les arrangements juridiques impliquant les pays de la région, qu’il
s’agisse des textes entre ses Etats ou des textes de l’ONU, de l'OUA, ou
autre (SADEC, Union Européenne etc…).
III. VISION D’AVENIR
- Nouvelle conception de
l’avenir des pays de la Région des Grands Lacs et de la région elle-même, en
se préoccupant de construire un avenir heureux pour tous ;
- Nouvelles alternatives
fondées sur les options politiques et sociales suivantes : les options
" démocratie, Etat de droit, non-violence, dialogue " pour
construire de façon concertée ;
- Nouveau projet de société
prenant en compte les défis de la modernité, mais mettant aussi en valeur
la culture africaine ;
- Nouvelle vision de
l’avenir en commençant par la mise en œuvre des Accords de cessez-le-feu
de Lusaka pour le cas du Congo ;
- Coopération et intégration
régionale fondée sur les principes de l’égalité, la souveraineté, la
complémentarité et intérêts communs.
IV. METHODOLOGIES D’APPROCHE
- Soutenir et promouvoir
l’éducation, l’éducation générale permanente et l’éducation civique et
éducation à la culture de la paix.
- Renforcer la société
civile et ses actions dans chaque pays et promouvoir l'émergence d’une
société civile " Grands Lacs ".
- Promouvoir la mobilité
des ressources humaines dans la Région et des agents de développement.
- Promouvoir la mobilité
des biens et services ainsi que des liens d’amitié et de solidarité entre
différents groupes humains, sociaux et professionnels.
- Contrôler la circulation
illégale des armes dans la région.
- Réaliser rapidement le
retrait des troupes étrangères du territoire congolais.
V. MODALITES D’ACTIONS
- Mettre sur pied une
structure de coordination et de suivi sous forme de Réseau de Culture de
la Paix et d’un Observatoire des pays des Grands Lacs.
- Assurer la périodicité et
la tenue relative de ce genre de rencontres en réunissant des groupes
composés de manière suffisamment diversifiée.
- Responsabiliser davantage
l’UNESCO/PEER dans le soutien aux actions de réconciliation, de
non-violence et de culture de la paix dans la Région.
- Demander à l’UNESCO/PEER de
fournir aux principaux acteurs de la paix, la formation nécessaire, les
instruments pédagogiques et le matériel didactique indispensable au
processus.
- Demander à l’UNESCO/PEER
de poursuivre et fructifier les contacts avec les groupes représentés dans
cette rencontre.
- Soutenir des projets de
recherche sur la promotion de la culture de la paix dans la Région et
généraliser les " chaires UNESCO " dans les institutions
d’enseignement supérieur et universitaire des Etats de la Région.
- Redynamiser les institutions
régionales d’intérêt commun comme les universités, les réseaux des
chercheurs, les barreaux, les sociétés civiles, les associations des
femmes, les associations des jeunes, les médias, etc…).
- Créer dans la Région des
Grands Lacs, des maisons de l’UNESCO pour la culture de la paix.
- Organiser une conférence
internationale sur les problèmes de la Région des Grands Lacs.
VI. MOTION
- Les participants au
séminaire-atelier sur la Promotion de la culture de la Paix, la bonne
gouvernance et le Développement socio-économique dans la Région des Grands
Lacs remercient très sincèrement l’UNESCO/PEER pour son souci d’aider les
ressortissants de cette Région à se mettre sur la piste du dialogue
sincère qui sous-tend la culture de la Paix en vue d’un débat contradictoire
concernant leurs responsabilités dans la recherche des solutions positives
aux problèmes vitaux qui sont les leurs.
- Les participants se
déclarent satisfaits des facilités offertes en vue de leur participation au
Séminaire – Atelier et pour rendre agréable leur séjour à Nairobi. Ils se
réjouissent du climat de sérénité, de convivialité et d’entente ayant
régné tout au long des travaux. Ils adressent à cet effet des
félicitations unanimes au Comité d’organisation et particulièrement au
Facilitateur/Modérateur Dr. SATTI pour le travail qu’il a accompli.
- Les participants déclarent
avoir vu au cours de l’atelier, une lumière, une thérapie aux tabous,
préjugés et clichés qui sont tombés pendant leur séjour à Nairobi. Ce
Séminaire - Atelier constitue à coup sûr un bon début sinon un pas vers le
rétablissement de la paix et la réconciliation, un passage obligé que les
populations des Grands Lacs doivent emprunter afin d’asseoir la stabilité,
l’émancipation et le progrès social.
- Enfin, tous les
participants souhaitent qu’il y ait un suivi à ce Séminaire – Atelier qui
semble être porteur d’espoirs et de visions positives pour la Région des
Grands Lacs et ils insistent sur la mise en pratique des recommandations y
relatives de manière à traduire en réalité le rêve d’un monde meilleur.
Fait à Kinshasa, le 12 février 2001
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