Au cœur des affres d'une guerre oubliée dans la Province de l'Équateur

L'étau du désastre humanitaire se resserre autour de Basankusu et affecte sérieusement  l'ECC/9e CADELU

( Par Jean Jacques NDUITA)

La ville de Basankusu, située à 700 km de Mbandaka, dans la Province  de l'Equateur est dans un état de sinistre avancé en raison de la guerre qui l'a fait passer sous le contrôle de la rébellion. L'ECC/9e CADELU dont le siège s'y trouve subit fortement le contre-coup de cette  situation.

Le témoignage du Rév  Bokonga Lokuli, Président communautaire de cette communauté en séjour à Kinshasa. est simplement poignant. Les deux guerres qui ont embrasé la Province de l'Equateur en général et la ville de Basankusu, en particulier ont sévèrement touché cette communauté. Premiers à être touchés, ses bureaux. Rév Bokonga, nous a indiqué que les locaux qui servent de siège à cette communauté ont été entièrement mis à sac par les éléments des ex Forces Armées Zaïroises  alors en débandande devant l'avancée des troupes de feu Président Laurent désiré Kabila. Matériels de bureaux,  et autre biens matériels sans compter l'ensemble des archives de la communauté ont été emportés ou brûlés par les militaires en fuite.

Le Centre d'accueil  de la communauté doté d'une capacité de 70 lits n'a pas non plus été épargné par les militaires, jetant dans la rue des familles entières naguère prises en charge par l'Eglise. Les actes de destruction méchantes des éléments rebelles comme des éléments des forces gouvernementales ont également touché les quelque 80 écoles que compte la communauté dans la Province. Conséquence: ces enfants sont aujourd'hui dans la nature, hypothéquant ainsi leur avenir.

Selon toujours le témoignage du Rév Bokonga, les enseignants qui n'ont pas été payés depuis des mois en sont venus à réclamer leur prise en charge par les parents d'élèves. La situation générale de dénuement de la population a conduit les deux partenaires de l'éducation à se mettre d'accord sur le troc comme mode de paiement des enseignants. La valeur de référence dans ce paiement est la bouteille d'huile de palme par mois équivalent à un montant d'un franc congolais, soit en deçà d'un cent. Si l'on considère que l'effectif moyen d'une classe représente environ 50 élèves,  à la fin de chaque mois, une classe rapporte 50 bouteille d'huile de palme. Le paiement en nature se fait, semble-t-il sans problème. Cependant, les difficultés auxquelles est confrontée la ville font actuellement que les élèves n'ont ni cahiers ni stylos et encore moins des livres pour suivre les cours. Les enseignants,dépourvus des matériels didactiques essentiels en commençant par les craies, dispensent des enseignements sous la forme de catéchisme à mémoriser.  

 Cette situation s'accentue en raison de l'enclavement de la communauté ou du moins de son siège, resté deux ans durant sans nouvelles de ses paroisses disséminées à travers toute la Province de l'Equateur. Traduction de cet enclavement, le manque de contact entre le siège et quatre de ses paroisses situées à Mbandaka

Asphyxiée par les affres des deux guerres, la communauté ne peut pas tabler sur les quelques projets d'auto financement destinés à soutenir l'Eglise dans la mesure où l'environnement socio-économique devenait de plus en plus hostile. Avant les deux guerres, la ville de Basankusu gérait son enclavement par les transactions commerciales avec Mbandaka ou encore avec Kinshasa qu'elle approvisionnait en poissons fumés et en viandes boucanées. En retour, les commerçants en provenance de Kinshasa y apportaient  des produits de consommation courante que l'on trouve rarement sur place. C'est le cas des savons, du sel, du sucre...

La prise de Basankusu au milieu de l'année dernière  a rendu difficile la gestion de l'épineux problème de l'enclavement de la ville. A cette difficulté pendante, relève le Président communautaire de l'ECC/9e CADELU, vient s'ajouter la destruction méchante des champs des paysans par les rebelles qui occupent la ville.

La population plongée dans la misère la plus noire ne tient plus le coup. Basankusu qui, même au plus fort delà guerre n'a jamais connu des cas de malnutrition, se familiarise aujourd'hui avec cette dure réalité. Le MSF avait en son temps ouvert un petit centre de prise en charge des enfants souffrant de la malnutrition, destiné à accueillir 50 enfants toutes les trois semaines. Aujourd'hui, le centre est débordé. Le nombre d'enfants a triplé en moins d'un mois. La malnutrition a même favorisé la résurgence de certaines maladies que l'on croyait éradiquées à jamais.

MSF étant la seule ONG humanitaire oeuvrant sur place, le mal reste entier. L'ECC/9e CADELU qui est présente dans la contrée à travers ses églises et ses quelques écoles n'est pas en mesure d'assister cette population malgré sa bonne foi. Du reste, la communauté elle-même est sinistrée au même titre que cette population sinon plus. Vivant sans subsides de la Mission Évangélique Unie (MEU),son principal partenaire, elle ne compte que sur les offrandes des fidèles, sensiblement réduites en raison de la crise aiguë qui frappe la ville, a poursuivi Rév Bokunga Lokuli.

Devant cette situation, les commerçants ont décidé d'exploiter la filière de Kisangani, chef-lieu de la Province Orientale pour approvisionner la ville en quelques produits de première nécessité. Certes, Kisangani est elle aussi sous le contrôle de la rébellion, mais à la différence de Basankusu, cette ville est assez régulièrement approvisionnée depuis Kampala, la capitale de l'Ouganda, principal allié du mouvement rebelle qui administre le Chef-lieu de la Province Orientale. Le problème n'est pas pour autant résolu dans la mesure où l'état d'enclavement de la ville astreint les commerçants à rivaliser d'ingéniosité pour atteindre Kisangani. le trajet long de plus de 200km prend parfois un mois, à raison de deux semaines à l'aller et d'autant au retour. La longueur du trajet ainsi que la durée du voyage qui a tout d'une odyssée oblige les commerçants à ne transporter que des marchandises de 300kg maximum. Face à ces difficultés qui en handicapent sérieusement le fonctionnement normal, la communauté   s'organise comme elle le peut, à travers ses activités ordinaires, le pouvoir en place n'ayant 
jamais interdit l'organisation des cultes, mais dans l'absolu personne ne sait prédire jusqu'où ira la ténacité 
des hommes de l'Église qui n'entrevoient pas à plus ou moins long terme des signaux d'embellie de la part des 
autorités de la rébellion.